Dans le ventre des filles de Tiphaine Dumontier [Service presse]

Enceinte, la narratrice commence dès les premières pages à nous raconter son entrée dans le monde médical avec une première échographie. Son mari est présent : ils ont hâte de découvrir l’image de leur enfant, c’est un moment particulier. Ils ne sont pas médecins mais se rendent vite compte qu’il va falloir s’attendre non pas à un enfant mais deux. Le radiologue, un peu évasif, ne semble pas aussi enthousiaste que le couple, est un peu indifférent, comme absent de cet examen, priorisant une livraison de matériel médical qu’il attendait. Et c’est le début de l’engrenage, car l’un des enfants semble très fragile et va présenter des anomalies, qui vont mener la future maman d’angoisses en culpabilité dans un monde médical pas toujours très empathique.

On sent véritablement le vécu. La 4ème de couverture l’annonce d’ailleurs. Je ne suis pas maman mais je suis régulièrement suivie à l’hôpital pour des soucis de santé. Comment expliquer que l’autrice a un talent dingue pour nous raconter ce qui n’est pas racontable : la solitude, l’angoisse, la perte de tout repère, la culpabilité de ce que l’on doit faire ou ce qu’il ne faut pas faire, etc.

La première partie du roman explique les nombreux examens qu’elle doit subir pour tenter de trouver un diagnostic sur ce qu’a son deuxième bébé. Elle est vite perdue, elle ne comprend pas, s’arrête sur des termes assénés par les médecins, qu’elle connaît et ne retient qu’eux, ne comprend pas pourquoi tel médecin lui annonce des bonnes nouvelles puis un autre lui annonce autre chose… Son mari qui l’accompagne semble davantage pouvoir être en mesure de comprendre et prend les choses en main. Elle, elle surnage dans tout ça. Elle est confrontée à un milieu médical qui ne semble pas la voir en temps que femme, en tant que future maman : elle n’est plus que considéré comme une patiente, devient complètement transparente lors des examens ou autre. Les médecins et les infirmières par leur parole maladroite, indifférente au mieux, détachée en tout cas ne semble pas prendre en compte l’impact psychologique que cela peut avoir sur leurs patients. Et c’est dans ce tourbillon qu’elle va devoir supporter ses propres questions, les remises en cause, les angoisses nocturnes notamment. Un entourage plus ou moins proche qui ne semble pas comprendre ce qui lui arrive réellement, elle s’éloigne de sa famille, et ses amies. Elle se referme sur elle-même et va s’en apercevoir très vite. Elle est forte malgré tout ça.

Dans la seconde partie, elle apprend à connaître ses 2 filles nées prématurées, qui se retrouvent séparées dès le départ : une en soins intensifs et l’autre en réanimation. La rencontre est poignante, émouvante. L’esprit maternelle est là dès le départ et elle va devoir affronter encore une fois l’entourage médical, parfois bienveillant et d’autre moins. Au milieu de tout ça, elle reste droite dans ses bottes.

Les bonnes lectures sont souvent celles qui nous font s’immerger dans une histoire : une fois commencé, je n’ai pas pu m’arrêter. C’est poignant, rageant et parfois drôle. J’ai particulièrement été touchée par l’écriture et la justesse des mots. Je me suis retrouvée parfois à titre personnel et j’avoue que je me suis dit que ce roman ne me ferait pas de bien, puisqu’il a une certaine résonnance personnelle. Au contraire finalement, je suis touchée parce que je me sens moins seule, car quelqu’un a réussi à expliquer ce sentiment de solitude que l’on ressent. J’ai beaucoup pleuré, et même si ce n’est pas agréable, c’est bien la preuve que ce roman m’a touchée.

En bref, c’est un énorme coup de coeur.

« Vous voyez ce que je vois ? » Lors de sa première échographie, la narratrice découvre qu’elle attend des jumeaux. Mais un fœtus est plus petit que l’autre et semble présenter plusieurs anomalies. Une question se pose immédiatement, qui l’accompagnera tout au long de sa grossesse : pourra-t-elle garder ses deux bébés  ? 
 
L’équipe médicale se lance alors dans une véritable enquête au sein de l’unité de diagnostic prénatal d’un hôpital parisien. A mesure que la tension monte et que les examens se multiplient, la narratrice doit accepter de ne plus rien comprendre. Mais par sa vitalité, son regard aiguisé et plein d’humour, elle parvient à saisir le grotesque au cœur d’une insoutenable attente faite de dilemmes, d’angoisses et de culpabilité.
 
Page après page, c’est aussi tout un univers qui se déploie : l’hôpital et son personnel, tantôt à l’écoute et bienveillant, tantôt brutal ou indifférent, face auquel notre héroïne se révèle à elle-même – forte et courageuse.
 
Servi par une écriture délicate et lumineuse, ce texte d’inspiration autobiographique où l’on retrouve l’influence d’autrices telles que Déborah Levy, Sinead Gleeson, ou encore Annie Ernaux, se lit d’une traite. Ode féminine et féministe, intelligent, drôle et d’une émouvante sincérité, Dans le ventre des filles s’offre à lire comme la réconciliation entre un destin d’écrivaine et de mère. 

ENORME COUP DE COEUR

Éditions : Grasset

Nombre de pages : 304

Date de publication : 29/01/2025

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2 réflexions sur “Dans le ventre des filles de Tiphaine Dumontier [Service presse]

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